Date: Wed, 19 Jun 1996 00:57:26 +0200 From: [a--l--y] at [ulb.ac.be] (Annie Pilloy) (by way of [c--mi--s] at [exmachina.be] (comics)) To: Multiple recipients of Comics - Sent by <[a--l--y] at [ulb.ac.be]> Subject: CR Clermont Le Festival BD de Clermont Ferrant 15-16 juin 1996 Bon, d'abord, faut se farcir le train. Deux heures jusque Paris, en Thalys (qui donne l'impression de se traîner, surtout en Belgique), puis une heure pour changer et 4 heures pour Clermont! Résultat, on est déjà liquéfié en arrivant! Surtout en ayant eu droit à un ronfleur dans le Thalys et à un néo-marxiste qui discutait avec une Française râleuse dans l'autre train! Sans oublier les ploucs qui revenaient en permission pour la première fois: ambiance! On a été accueillis par le directeur de la Librairie des Volcans (ben oui, je fais sa pub, et alors?) qui était un des principaux organisateurs du Festival, le premier, et sa « tête pensante » qui, malheureusement n'a pas pensé à tout! Arrivés à 18h à la gare, le vernissage était à 18h30 et nous avons raté le début, ayant besoin de souffler un peu. Nous avons été logés là où se passaient les soupers et l'inauguration, dans une chambre d'hôte du Corum St-Jean, un foyer de jeunes. L'avantage était d'être sur place, l'inconvénient de « profiter » de la fête même lorsqu'on voulait aller dormir, notre fenêtre donnant sur la grande cour du Corum on bénéficiait du son et lumière! Après de brefs discours officiels, place a été laissée à un jeune groupe de percussionnistes de la région: Kobra, qui a animé le début de soirée. Nous avons ensuite été manger un morceau, puis rejoint les quelques dessinateurs qui étaient déjà là pour le reste de la soirée en plein air. Au nombre des présents le vendredi soir: Molinari (je vous raconte tout de suite une anecdote!), Mitton qu'on appelle le juke box et qui tient trois heures seul à la guitare interprétant de la chanson française, du bleues, du country, du vieux rock, etc.), Mourier et Arleston (qui faisaient les percussions avec des bûches, quand Mourier ne jouait pas au Sumo) et quelques autres avec qui je n'ai pas eu de contacts. Je n'ai d'ailleurs malheureusement pas pu parler à tous les 25 dessinateurs et scénaristes présents! Anecdote de Molinari, qui dessine normalement des histoires de guerre avec beaucoup d'avions et pas de femmes... Il avait un scénariste qui était un ancien scout catho. Il lui a demandé un jour, pour introduire une femme dans son histoire (et la façon dont il voulait que ça se fasse est en elle-même très révélatrice de ce que pensent les hommes des femmes dans la BD, si adorable que soit Molinari!) de lui écrire une scène érotique. Voilà ce que le scénariste lui proposa: le héros et la princesse tombent dans l'eau et allument un feu pour se sécher. Et lorsque la princesse va se déshabiller, le héros lui dit de ne pas s'inquiéter, qu'il ne la regardera pas! Fin de la scène érotique! On comprend que Molinari n'en ait plus redemandé! Autre anecdote révélatrice du monde business de la BD aujourd'hui: Je préviens Arleston en lui disant: « Tu (ben oui, tout le monde se tutoie tout de suite!) sais qu'on est censé se battre dimanche? ». Il me met la main sur l'épaule et du haut de ses 2 mètres et de ses 110 kg, il me répond: « T'as gagné! ». Je lui explique alors que l'on va être confrontés dans un débat sur l'image des personnages féminins. D'abord, il me dit de ne pas m'inquiéter, que de toute façon dans les festivals, personne ne va jamais aux conférences et aux débats (et il a eu raison, le bougre!), puis il me parle de ses séries. La seule qu'il lirait, si ce n'était pas lui qui les faisait, c'est Léo Loden, son aventure policière que j'ai effectivement adoré et où il y a un très chouette personnage féminin, d'ailleurs, et aussi un vieux tonton bien sympa. Et aussi Mycroft, sorte de Sherlock d'un futur improbable (et pour ma part, même remarque que pour le précédent: son assistante est un personnage formidable!). Mais même Langfeust de Troy, il le fait... pour les sous et pour pouvoir publier d'autres choses qu'il préfère, sans que son éditeur râle. Quand aux Feux d'Askell, c'est la même chose, mis à part qu'il m'a dit qu'ils s'étaient plantés dans leur orientation avec Mourier: c'est trop cul pour les amateurs de fantasy et pas assez cul pour les amateurs de porno, résultat, ce fut un moyen bide! Qu'est-ce qu'on peut encore dire devant tant de sincérité et accessoirement tant de gentillesse? Je vous le demande? Le samedi matin j'ai été voir les expos et les pauvres artistes attachés à leur table en train de dédicacer sans arrêt (entre nous, c'est un apostolat!). L'expo Franquin était très décevante, étant composée uniquement de planches sans doute produites par Dupuis et qui faisaient plus pub qu'expo. Même chose pour l'expo au Corum sur les héros de BD. Je n'ai malheureusement pas eu le temps de passer voir l'expo 100 ans de presse BD en France, mais il faut dire que j'avais déjà pu feuilleter maints magazines pour enfants (dont le premier n° de la Semaine de Suzette avec la première histoire de Bécassine, un régal. D'autant plus que je parle tout le temps de l'anecdote qui fit que cette planche fut faite pour combler un blanc dans le journal, mais que je ne l'avais jamais vue!). Le samedi midi, déjeuner avec les dessinateurs, et là, chance immense, je me suis retrouvée en face de Julliard, accompagné de son frère. C'est vraiment quelqu'un de gentil, cultivé, ouvert et terriblement modeste. On a parlé de tout, autant de BD que d'autre chose et ce fut un régal de bout en bout (comme le repas, merci!). Le samedi après-midi, on est parti à la recherche des chevaliers qu'on n'a jamais trouvés, mais on a visité la ville (le dimanche matin, j'ai dû me mettre des sparadraps à tous les orteils!). Je suis retournée un peu avant 18h pour faire ma conférence et lorsque je suis arrivée dans la salle en compagnie de l'organisateur, damned, Arleston avait raison: pas un chat! En fait, les conférences débats avaient lieu à un autre endroit que le gros de l'expo et les dédicaces et le public ne s'est pas déplacé! Bon, on a pris un verre et on en est pas morts! D'autant plus que l'organisateur, bien conscient de sa responsabilité, m'a dit qu'on reverrait ça mieux pour l'an prochain (oh oui, j'y retourne quand il veut!) en faisant venir mon expo et en regroupant tout à un seul endroit! Le samedi soir, souper barbecue (comment, je ne sens déjà plus le graillon?) au Corum avec les dessinateurs et l'équipe au grand complet. J'ai d'abord eu enfin l'occasion de discuter avec Bellamy et avec Siro, et c'était riche d'enseignement quant aux motivations (toujours personnelles, finalement) des dessinateurs à travailler et à vouloir être publiés. Mitton reprend sa guitare et ça se termine en lancer de dessert (de sa part, d'ailleurs!), tandis qu'Arleston et Mourier partent en délires de caricatures, dont j'ai rapporté deux très beaux exemplaires, youppee! Le dimanche, après avoir mangé seuls et léger (bon sang, faut les suivre, les Français), je me suis farcie les BD de Carré (je vous recommande très vivement le Pays miroir, je suis encore dedans!) et de Giroud, qui devaient remplacer Cothias dans le débat, je me suis représentée au Festival où... le débat n'a pas eu lieu (je déteste Arleston quand il a raison, le salaud!). Puis, j'ai été assise derrière une table et mes bouquins. Bon, j'en ai dédicacé un (ce qui était déjà mieux qu'à la Foire du Livre de Bruxelles) et j'ai lu une BD. J'ai aussi écrit au pied levé un conte pour une artisane qui peignait et mettait en scène des figurines de jeu de rôle et qui, venant d'avoir une petite fille, demandait à chaque dessinateur de faire un dessin pour elle. Comme je ne savais pas dessiner, ben au moins j'ai eu l'occasion de voir que j'étais encore capable d'écrire quelque chose de joli et qui tenait la route comme ça, sans trop penser. Ouf! Dimanche soir, c'était un peu triste, tout le monde partait sauf nous, mais nous avons eu l'occasion de rencontrer une des bénévoles très sympa et d'aller boire relax un verre dans un petit bar qui fait des jus de fruits frais, adresse à retenir. Même s'il y eut quelques couacs, je dois dire que je n'ai pas eu l'impression de perdre mon temps. J'ai fait de formidables rencontres, ça m'a permis, avec l'organisateur, d'imaginer quelque chose de plus solide pour l'an prochain et aussi de mieux redéfinir dans ma tête mes propres orientations dans l'analyse des BD en prenant conscience de l'importance réelle de sortir un peu de mon sujet « femme » et d'élargir pour ne surtout pas porter l'affreuse étiquette de féministe d'arrière-garde. J'ai aussi été charmée qu'aucun dessinateur ne m'ait considérée de cette façon-là, mais ca, que voulez-vous, c'est mon charme naturel! (j'entends des rires, là au fond!) Pour pouvoir partir Il faut être venu, un jour Partir sans être venu C'est partir sans avenir -- COMICS ---------------------------------------- Si vous voulez vous desabonner a cette liste, envoyez un message a [m--or--o] at [exmachina.be] avec, dans le corps du message, 'unsubscribe comics'. 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